Arc de Campanus

Arc de Campanus
Façade occidentale de l'arc de Campanus.
Présentation
Type
Arc de triompheVoir et modifier les données sur Wikidata
Propriétaire
État
Patrimonialité
Logo monument historique Classé MH (1890)
Localisation
Pays
Drapeau de la France France
Département
Savoie
Commune
Aix-les-Bains
Coordonnées
45° 41′ 21″ N, 5° 54′ 56″ EVoir et modifier les données sur Wikidata
Carte

modifier - modifier le code - modifier WikidataDocumentation du modèle

L'arc romain de Campanus est un monument antique situé sur la commune française d'Aix-les-Bains dans le département de la Savoie en région Auvergne-Rhône-Alpes.

Ses dimensions, et notamment sa très faible épaisseur (0,75 m), en font un édifice particulier. Monument funéraire ou arc monumental dédié à la mémoire d'une famille de notables (les Pompeii) et faisant office de porte, il est construit sous le Haut-Empire romain au Ier ou au IIe siècle apr. J.-C.. Le dédicant de cet arc porte le nom romain de Lucius Pompeius Campanus, et c'est son cognomen qui est à l'origine du nom traditionnellement attribué au monument.

L'arc de Campanus est situé dans le centre historique de la ville moderne d'Aix-les-Bains, à proximité de deux autres monuments antiques, le temple de Diane et les thermes. Son intégration à d'autres constructions, dès le Moyen Âge, a sans doute contribué à le préserver et il fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis le .

Contexte historique et archéologique

Article détaillé : Histoire d'Aix-les-Bains.
Plan schématique de la place Maurice-Mollard en 2015.

Les premières occupations romaines à Aix-les-Bains (Aquae) semblent remonter à la seconde moitié du Ier siècle de l'ère chrétienne, avec un aménagement sommaire des sources thermales chaudes[L 1]. Elle est rattachée administrativement à la cité de Vienne.

À la lumière des plus récents travaux, il apparaît difficile de voir dans Aquae une agglomération antique urbaine, pourvue d'un centre monumental comprenant les thermes, le temple de Diane et l'arc de Campanus. La topographie du site en dévers important (près de dix mètres entre la base du podium du temple et le niveau de circulation autour des bassins des thermes antiques partiellement intégrés aux bâtiments des thermes nationaux modernes[L 2]) s'y prête mal et l'interprétation de l'arc comme monument funéraire en centre ville est difficilement compatible avec ce statut[L 3].

Plus vraisemblablement, et à l'image d'Aix-en-Provence, le site d'Aix-les-Bains se compose d'abord d'une agglomération rurale assez peu structurée géographiquement, habitée par des paysans-propriétaires (possessores) élisant un conseil de decemlicti chargé d'administrer la ville. L'épigraphie suggère que l'activité de ces paysans est essentiellement tournée vers l'agropastoralisme[L 4].

Vestiges des thermes.

À côté de ce bourg agricole, dont l'implantation demeure encore inconnue, et sans lien clairement établi avec lui, s'est développé un ensemble composé de thermes fréquentés par l'aristocratie locale qui y vient en cure et dont certaines familles participent aux travaux d'entretien et peut-être même perçoivent des revenus sur la clientèle des thermes. Ce sont également ces familles qui font construire à proximité des thermes des monuments funéraires, le mausolée-temple de Diane et l'arc de Campanus[L 5].

Dans la géographie moderne d'Aix-les-Bains, l'arc de Campanus est situé devant les thermes Pellegrini, entre la place des Thermes et la place Maurice-Mollard. Il se dresse dans l'angle nord-est de l'actuelle place Maurice-Mollard.

Chronologie, mentions historiques et études

Cet arc est probablement dressé sous la dynastie des Antonins, à la fin du Ier ou dans le courant du IIe siècle apr. J.-C., par Lucius Pompeius Campanus, sans doute un riche notable allobroge de la cité de Vienne (dont dépendait alors Aquae). À la même époque le temple de Diane est construit et les thermes réaménagés[L 2]. La sobriété du décor de ces édifices les rapproche des monuments construits dans la même période sur le forum de Rome[1].

À l'issue d'un voyage fait à Aix vers 1535, Aymar du Rivail semble être le premier à livrer une description de ce qu'il pense être un arc de triomphe célébrant une victoire militaire romaine[2].

Oublié, l'arc devient au XVIe siècle l'entrée de la salle de justice, puis aux siècles suivants il est intégré dans le mur d'une écurie, s'enterre peu à peu, et est sauvé de la destruction en 1821. En 1867, l'hôtel dans la cour duquel il se trouve est démoli ; les abords du monument sont ainsi entièrement dégagés. Il est acheté par l'État un an plus tard[3].

Un arc du pont Flavien de Saint-Chamas.

Il est classé monument historique par arrêté du [4].

Son architecture et son épigraphie font l'objet de plusieurs études, donc celle réalisée par François de Mouxy de Loche à la fin du XIXe siècle est la première à être aussi complète[5].

En 1996, l'archéologue allemande Annette Küpper-Böhm conclut à l'absence de rôle funéraire pour l'arc ; elle en fait une porte monumentale comparable à d'autres monuments de la Gaule narbonnaise, comme les arches édifiées aux deux extrémités du pont Flavien à Saint-Chamas[6].

Au début des années 2000, Philippe Leveau ré-examine, à la lumière des résultats des fouilles du parking de l'hôtel de ville au milieu des années 1980[7], l'ensemble des données relatives aux monuments antiques d'Aix-les-Bains, ce qui le conduit à formuler de nouvelles hypothèses sur la structure et la vocation de l'agglomération antique d'Aix-les-Bains, ainsi que sur la destination de ses monuments, dont l'arc de Campanus[L 6],[8].

Description

Architectonique

L'arc mesure 9,15 m de haut et 7,10 m de large, mais seulement 0,75 m d'épaisseur[3]. L'unique ouverture est une arcade en plein cintre de 6 × 3,50 m, sous laquelle est aménagé un passage dallé creusé d'ornières laissées par les roues[9]. L'arcade est encadrée par deux pilastres[L 7]. La base de l'arc se situe à l'altitude de 265 m[L 2].

Au-dessus des deux piliers prend place un entablement avec architrave et, côté occidental, une frise de huit niches alternativement à fond plat et en cul-de-four, disposées symétriquement par rapport à l'axe du monument. Elles sont très peu profondes (6 à 7 cm) et leur base est inclinée ce qui ne permet pas, contrairement aux hypothèses les plus anciennes, d'y loger en équilibre des statuettes ou des urnes funéraires ; il est plus vraisemblable d'y voir l'équivalent des fenêtres éclairant la galerie supérieure dans les portes des grandes enceintes urbaines[L 8].

Un troisième niveau est constitué d'une corniche rappelant celle de la façade occidentale du temple de Diane[L 8].

L'arc est construit en blocs de calcaire en grand appareil, assemblés à joints vifs sans mortier[10]. La pierre utilisée pour sa construction semble provenir de carrières situées à Franclens (Haute-Savoie) et à Surjoux (Ain). Dite « pierre de Seyssel », elle est blanche, fine et réservée à des utilisations nobles[L 9].

Épigraphie

Sur la façade ouest sont gravés les noms de Lucius Pompeius Campanus, dédicant de l'arc, et de ses ascendants sur deux générations, mais tous ne sont pas généalogiquement identifiés. Six de ces inscriptions sont gravées sur l'attique, mais seules quatre sont totalement ou partiellement déchiffrables. L'architrave porte huit cartouches, en dessous des huit niches. Plus bas, la dédicace de l'arc est gravée en plus gros caractères de part et d'autre de l'ouverture du monument[12].

Aucune source ne permet d'en apprendre davantage sur Lucius Pompeius Campanus (dates précises de vie et/ou de mort, rang social, fonction...) dont le cognomen a donné son nom au monument.

Traduction des inscriptions relevées sur l'arc[13].
  • Sur l'attique : À Pompeius Campanus, grand-père paternel - À Caia secundina, grand-mère paternelle - À Pompeia Maxima, la sœur - À Pompeius Campanus, le frère - ? - ?
  • Sur l'architrave : À Decius Valerius Gratus - À Caius Agricola - À Lucia F. secundina, tante du côté paternel - À Pompeius, père direct et aux parents - À Caia F. Sentia Voluntilla, aïeule chérie - À Caius Sentius, aïeul direct chéri - À Titus Cannutius [dit] l'athénien, qui a beaucoup souffert - À Lucius Pompeius Campanus, fils de Campanus et de Sentia.
  • Sous l'architrave : Lucius Pompeius Campanus a fait [ce monument] de son vivant.

La plus ancienne génération, mentionnée sur l'attique, est celle des grands-parents paternels du dédicant, d'un frère et d'une sœur du grand-père et dont la dédicace est incomplète ; deux cartouches ne sont plus lisibles[14].

Sur l'architrave, Decius Valerius Gratus et Caius Agricola pourraient avoir été les époux successifs de Lucia F. secundina et Titus Cannutius le second mari de Caia F. Sentia Voluntilla[L 10]. Si le père du dédicant possède son propre cartouche (Caius Pompeius), sa mère n'est mentionnée que par son gentilice dans l'inscription consacrée à Lucius Pompeius Campanus lui-même[L 11].

Le surnom « Atticus » attribué à Titius Cannutius évoque d'éventuels ancêtres hellénophones de la famille Pompeii, peut-être des affranchis[L 11].

Fonction

Bien que cet arc comporte des inscriptions en l'honneur de la famille Pompeii — la glorification monumentale des élites et de leur famille est une nouveauté à cette époque[9] —, la fonction du monument, comme celle du temple de Diane, reste incertaine ; les différentes propositions qui en sont faites sont directement liées au statut qu'archéologues et historiens envisagent pour l’établissement antique d'Aix-les-Bains dans son ensemble[15].

Au sein d'une agglomération secondaire « urbaine »

La porte Saint-André (Autun) et sa galerie supérieure.

Envisagé comme arc funéraire au début des années 1980, le monument est éloigné de la nécropole romaine situé à 300 m plus au nord[16] et un interdit religieux romain ne permet pas les sépultures dans l'enceinte des villes : les nécropoles sont reléguées à l'extérieur du pomerium. Si Aix-les-Bains est considérée comme une agglomération secondaire dont l'arc et le temple constituent tout ou partie du centre monumental, l'hypothèse d'un monument funéraire perd beaucoup de sa vraisemblance puisqu'il ne peut se situer dans le périmètre de la ville[10].

En revanche, l'arc est disposé de manière à offrir une perspective en direction des thermes, et une voie dallée passait sous son arche[9] : l'hypothèse d'une porte urbaine matérialisant le passage du secteur des thermes à celui du temple est plus probable[17] ; cette proposition tient en outre compte de la présence des niches au niveau de l'architrave, figurant les baies de la galerie supérieure d'une porte[10]. De plus, les thermes à l'issue de leur réaménagement, le temple et l'arc sont contemporains ce qui confère une unité à l'ensemble[L 2]. Enfin, les inscriptions, compte tenu de l'orientation de l'arc, sont destinées à être vues lorsque quelqu'un se dirige vers les thermes en venant du temple[9].

Dans le cadre d'un bourg « rural »

Le mausolée de Fabara.

Plus récemment, la relecture de l'épigraphie du site, le réexamen de ses vestiges et les avancées consécutives aux fouilles du parking de l'hôtel de ville permettent d'échafauder une nouvelle théorie. Aix-les-Bains serait avant tout un bourg rural sans trame de circulation bien structurée, lié à des activités agropastorales et près duquel se serait développé un sanctuaire de cures ; l'emplacement de ce bourg, qui ne se situerait sans doute pas sous le centre-ville actuel, reste à trouver[L 4].

Dans ce cas, l'interdit relatif aux sépultures au cœur des villes ne joue plus et l'arc reprend sa fonction de monument funéraire en-dehors des limites du bourg, à l'image des arcs qui marquent les extrémités du pont Flavien à Saint-Chamas (Bouches-du-Rhône)[L 12].

Dans le même temps, le temple de Diane est interprété comme un mausolée-temple (à l'image du mausolée de Lanuéjols en Lozère[18] ou de celui de Fabara en Espagne[19]) qui abrite les sépultures de notables. Les deux monuments aixois sont élevés en l'honneur de deux familles marquantes de l'aristocratie locale, les Campanii (arc) et les Titii (temple), fréquentant de manière régulière les thermes ou étant impliqués dans leur exploitation[L 13].

Notes et références

  1. Leveau et al. 2005, p. 90.
  2. a b c et d Leveau et al. 2005, p. 91.
  3. Leveau et al. 2005, p. 94-96.
  4. a et b Leveau et al. 2005, p. 99-100.
  5. Leveau et al. 2005, p. 100-101.
  6. Leveau et al. 2005.
  7. Leveau et al. 2005, p. 87.
  8. a et b Leveau et al. 2005, p. 88.
  9. Leveau et al. 2005, p. 89.
  10. Leveau et al. 2005, p. 97.
  11. a et b Leveau et al. 2005, p. 96.
  12. Leveau et al. 2005, p. 101.
  13. Leveau et al. 2005, p. 93.
  • Autres références :
  1. Leveau, Odenhardt-Donvez et Fauduet 2007, p. 282.
  2. Mouxy de Loche 1899, p. 255.
  3. a et b Jazé-Charvolin et Lagrange 2005, p. 1.
  4. « Arc de Campanus », notice no PA00118163, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  5. Mouxy de Loche 1899.
  6. (de) Annette Küpper-Böhm, Die römischen Bogenmonumente der Gallia Narbonensis in ihrem urbanen Kontext, VML Vlg Marie Leidorf, , 238 p. (ISBN 978-3-8964-6131-5).
  7. Alain Canal, Rapport sur la fouille de sauvetage du parking souterrain de la place Maurice-Mollard, Lyon, DRAC Rhône Alpes, 1988-1989.
  8. Leveau, Odenhardt-Donvez et Fauduet 2007.
  9. a b c et d Jazé-Charvolin et Lagrange 2005, p. 2.
  10. a b et c Leveau, Odenhardt-Donvez et Fauduet 2007, p. 281.
  11. Jazé-Charvolin et Lagrange 2005, p. 5.
  12. Jazé-Charvolin et Lagrange 2005, p. 1-2.
  13. Mouxy de Loche 1899, p. 254-255.
  14. Mouxy de Loche 1899, p. 254.
  15. Segard 2009, p. 54-56.
  16. Segard 2009, p. 54.
  17. Segard 2009, p. 55.
  18. Jean-Charles Moretti et Dominique Tardy, « Inventaire des monuments funéraires de la France gallo-romaine », dans Christian Landes (dir.), La mort des notables en Gaule romaine, Musée archéologique Henri-Prades, , 256 p. (ISBN 978-2-9516-6790-7), p. 71.
  19. Maria-Luisa Cancela et Manuel Martin-Bueno (trad. Pierre Sillières), « Hispanie romaine : architecture funéraire monumentale dans le monde rural », dans Alain Ferdière (dir.), Monde des morts, monde des vivants en Gaule rurale, Actes du Colloque ARCHEA/AGER (Orléans, 7-9 février 1992), Tours, Fédération pour l'édition de la Revue archéologique du Centre de la France, coll. « Supplément » (no 6), (ISBN 2-9507320-1-1, lire en ligne), p. 403-404.

Voir aussi

Sur les autres projets Wikimedia :

  • Arc de Campanus, sur Wikimedia Commons

Bibliographie

  • Marie-Reine Jazé-Charvolin et Joël Lagrange, « Arc monumental, dit Arc de Campanus » [PDF], sur Inventaire général du patrimoine culturel - région Auvergne-Rhône-Alpes, (consulté le ).
  • Philippe Leveau, Bernard Rémy, Alain Canal et Maxence Segard, « Aix-les-Bains, vicus thermal et bourg rural », Revue archéologique de Narbonnaise, t. XXXVIII-XXXIX,‎ , p. 85-103 (DOI 10.3406/ran.2005.1152).
  • Philippe Leveau, Isa Odenhardt-Donvez et Isabelle Fauduet, « Aix-les-Bains et son tombeau-temple : « ruralité » et « urbanité » d’un vicus allobroge », Gallia, t. LXIV,‎ , p. 279-287 (DOI 10.3406/galia.2007.3313).
  • François de Mouxy de Loche, « Monuments et objets antiques d'Aix-les- Bains. Voies romaines », Mémoires de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Savoie, t. VII, s. 4 « Histoire d'Aix-les-Bains »,‎ , p. 253-338 (lire en ligne).
  • Maxence Segard, « Chapitre II. Les villes alpines : centres des changements socio-économiques des populations alpines », dans Les Alpes occidentales romaines, Aix-en-Provence, Publications du Centre Camille Jullian, , 288 p. (ISBN 978-2-8777-2387-9 et 978-2-9571-5570-5, DOI 10.4000/books.pccj.120), p. 35-91.

Articles connexes

Liens externes

  • Ressources relatives à l'architectureVoir et modifier les données sur Wikidata :
    • Inventaire Auvergne-Rhône-Alpes
    • Mérimée
    • Structurae
  • Ressource relative à la géographieVoir et modifier les données sur Wikidata :
    • Digital Atlas of the Roman Empire
  • Notices d'autoritéVoir et modifier les données sur Wikidata :
    • VIAF
v · m
Algérie
  • Arc de Caracalla à Djemila
  • Arc de Caracalla à Tébessa
  • Arc de Marc Aurèle à Markouna
  • Arc de Trajan à Timgad
Allemagne
Croatie
Espagne
France
Grèce
Italie
Arcs de Rome
Arcs hors de Rome
  • Arc de Trajan d'Ancône
  • Arc d'Auguste à Aoste
  • Arc de Bénévent
  • Arc d'Auguste à Fano
  • Arc d'Auguste à Rimini
  • Arco dei Gavi à Vérone
Libye
  • icône décorative Portail de l'histoire de la Savoie
  • icône décorative Portail de l’architecture et de l’urbanisme
  • icône décorative Portail de la Rome antique
  • icône décorative Portail des monuments historiques français
  • icône décorative Portail d'Aix-les-Bains