En analyse complexe, une fraction continue de Gauss est un cas particulier de fraction continue dérivé des fonctions hypergéométriques. Ce fut l'un des premiers exemples de fractions continues analytiques. Elles permettent de représenter des fonctions élémentaires importantes, ainsi que des fonctions spéciales transcendantes plus compliquées.
Histoire
Lambert a publié quelques exemples de fractions continues généralisées de cette forme en 1768[1], démontrant entre autres l'irrationalité de π (cf. § « Applications à 0F1 » ci-dessous). Euler et Lagrange ont exploré des constructions similaires[2], mais c'est Gauss qui utilisa l'astuce algébrique décrite dans la section suivante pour donner la forme générale de cette fraction continue, en 1813[3].
Il ne démontra cependant pas ses propriétés de convergence. Bernhard Riemann[4] et Ludwig Wilhelm Thomé[5] obtinrent des résultats partiels, mais ce n'est qu'en 1901 qu'Edward Burr Van Vleck[6] précisa le domaine de convergence.
Formule générale
Soit (fi) une suite de fonctions analytiques telle que pour tout i > 0,
où les ki sont des constantes. Alors, en posant donc (en notation de Pringsheim) et en répétant indéfiniment cette transformation :
Dans la fraction continue de Gauss, les fonctions fi sont des fonctions hypergéométriques de la forme 0F1, 1F1 et 2F1, et les équations fi–1 – fi = ki z fi+1 proviennent d'identités entre ces fonctions, dans lesquelles les paramètres diffèrent par des quantités entières. Ces identités peuvent se démontrer de diverses manières, par exemple en développant les séries et en comparant les coefficients, ou en calculant la dérivée de plusieurs façons et en l'éliminant des équations produites.
Les trois séries 0F1, 1F1 et 2F1
La série 0F1
Le cas le plus simple concerne la fonction
D'après l'identité on peut prendre ce qui donne ou encore, par conversion :
Ce développement converge vers la fonction méromorphe définie par le quotient des deux séries convergentes (sous réserve, bien sûr, que a ne soit pas un entier négatif ou nul).
pour laquelle on utilise alternativement les deux identités En posant etc. et on obtient dont on déduit
mais aussi, en utilisant que 1F1(0; b; z) = 1 et en remplaçant b + 1 par b, le cas particulier
De même, ou encore :
La série 2F1
Le dernier cas concerne la fonction
On utilise à nouveau, alternativement, deux identités : qui sont en fait la même à interversion près de a et b.
En posant etc. et on obtient dont on déduit
mais aussi, en utilisant que 2F1(0, b; c; z) = 1 et en remplaçant c + 1 par c, le cas particulier
Convergence
Dans cette section, on exclut le cas où certains paramètres sont des entiers négatifs ou nuls car dans ce cas, ou bien les séries hypergéométriques ne sont pas définies, ou bien ce sont des polynômes et alors la fraction continue est finie. On exclut aussi d'autres exceptions triviales.
Le rayon de convergence des séries 2F1 est égal à 1 donc leurs quotients sont méromorphes dans le disque unité ouvert. Les fractions continues obtenues convergent uniformément sur tout fermé borné inclus dans ce disque et ne contenant aucun des pôles[8]. En dehors du disque, la fraction continue représente un prolongement analytique de la fonction sur le plan complexe privé de la demi-droite réelle [1, +∞[. Le plus souvent, le point 1 est un point de branchement et la demi-droite [1, +∞[ est une coupure de branchement pour cette fonction.
Exemples d'applications
Applications à 0F1
La fonction de BesselJα peut s'écrireIl en résulte que pour tout complexe z,
De(variante de la série binomiale(1 + z)α) on déduitainsi que l'expression suivante de fonction arc tangente :qui converge dans le plan complexe privé des deux demi-droites ]–∞, –1]i et [1, +∞[i de l'axe imaginaire pur[12] (i et −i sont des points de branchement). Cette convergence est assez rapide en z = 1, donnant une approximation de π/4 à 7 décimales dès la neuvième réduite (alors qu'avec la formule de Brouncker, il faut plus d'un million de termes pour la même précision[13]).
(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Gauss's continued fraction » (voir la liste des auteurs).
↑(en) Hubert Stanley Wall (en), Analytic Theory of Continued Fractions, AMS, (1re éd. 1948), 433 p. (ISBN978-0-8218-2106-0), p. 349.
↑(en) William B. Jones et W. J. Thron, Continued Fractions : Analytic Theory and Applications, Addison-Wesley, coll. « Encyclopedia of Mathematics and its Applications » (no 11), (ISBN978-0-201-13510-7), p. 5.
↑(la) C. F. Gauss, « Disquisitiones generales circa seriem infinitam : Sectio secunda — Fractiones continuae », Commentationes Societatis Regiae Scientiarum Gottingensis recentiores, , p. 13-17 (lire en ligne).
↑B. Riemann, Sur le développement du quotient de deux séries hypergéométriques en fraction continue infinie, 1863 – Œuvre de Riemann, 1873, 2e éd., p. 424 (fragment posthume — titre original : (it) « Sullo svolgimento del quoziente di due serie ipergeometriche in frazione continua infinita »).
↑(de) L. W. Thomé, « Über die Kettenbruchentwicklung des Gaussschen Quotienten… », J. reine angew. Math., vol. 67, , p. 299-309 (lire en ligne).
↑(en) E. B. Van Vleck, « On the convergence of the continued fraction of Gauss and other continued fractions », Annals of Mathematics, vol. 3, , p. 1-18 (DOI10.2307/1967627).
↑(de) Oskar Perron, Die Lehre von den Kettenbrüchen, Teubner, (lire en ligne), « § 64 : Beispiele — Die Kettenbrüche von Gauss und Heine », p. 343-354.