Julienne Alexandrine Mathieu, née le à Saint-Sauveur-en-Puisaye (Yonne)[1] et morte le à Chieri (Piémont, Italie), est une actrice du cinéma muet, chanteuse d'opérettes, truqueuse et animatrice de films.
Biographie
Julienne Mathieu en 1912.
Fille de Léone Anaïse Monloup, modiste devenue comédienne de théâtre[2], et de François Mathieu, serrurier[3], Julienne Mathieu fut d'abord connue comme comédienne sous le nom de scène Mlle Suzanna ou Mlle Mercédès (à l'affiche du Théâtre Olympia en 1901[2])[4],[5].
Elle vient au cinéma en travaillant pour la société Star Film de Georges Méliès et la société de production française Pathé Frères[6]. Elle travaille également en tant que coloriste de films, en particulier dans l'atelier de Mme B. Thuillier[7].
En 1895, elle se marie avec Segundo de Chomón à Paris[6],[2]. Ils ont un fils, Robert, le qui décédera à Turin le [8].
En 1901, la jeune famille part à Barcelone, et Julienne Mathieu travaille dans la coloration des films, la réalisation d'affiches et la distribution de films français sur le marché espagnol[5]. Elle revient à Paris en 1905[6] où on la découvre dans le film La Poule aux œufs d'or, dans lequel elle joue le rôle principal.
De 1907 à 1909, elle est créditée au générique de 42 films au moins. La plupart sont ceux tournés par son mari, Segundo de Chomón, mais elle apparaît également dans les films de Gaston Velle, Albert Capellani, Ferdinand Zecca et Lucien Nonguet. Nombre de ces films sont marqués par l'utilisation de trucages, dont son mari et elle-même sont devenus spécialistes, tels que l'animation image par image, la pixilation, la surimpression, lefondu-enchainé, voire le travelling. Ils suivent de près la production de Méliès, toujours précurseur mais moins vendeur. En finançant le couple Mathieu-Chomón, Pathé Frères cherchait à reprendre l'avantage sur son concurrent, Star Film.
Sa vie à l'écran s'éteint en 1909. Sa sœur, France Mathieu[9], apparaît désormais à sa place, puis disparaît également de l'image.
De 1912 à 1925, Julienne Mathieu semble vivre à Turin avec sa famille, parfois prénommée Suzanne[3]. Elle meurt dans l'oubli à l'Hospice de la Charité (Ospizio della Carità) de Chieri près de Turin à l'âge de 69 ans.
Analyse
Artiste centrale d'une mise en scène où la magie technique opère pleinement, Julienne Mathieu est mise en scène comme la maitresse de cérémonie, contrairement aux artistes de son temps, Méliès et Blackton par exemple, pourtant confrontés à la même diégèse[10]. Dans En avant la musique (1907), film qui parodie Le mélomane de Méliès (1903) par exemple, elle est une femme cheffe d'orchestre qui subtilise la tête de ses musiciens mâles pour les afficher sur une portée musicale géante[11].
La réhabilitation de Julienne Mathieu est probable, selon les organisatrices d'un colloque en 2018 : « D’ailleurs des figures restées dans l’ombre émergent, comme Julienne Mathieu qui pourrait être qualifiée de co-auteure sur chacun des films. »[12]. Pour d'autres, excellente connaisseuse du monde du spectacle et de la technique cinématographique, elle est au moins une « collaboratrice artistique »[13].
1909. Voyage dans la Lune / Nouveau voyage à la Lune, de Segundo de Chomón
1909. La Leçon de musique, de Segundo de Chomón (4 min, couleur, muet, 1.33)
Notes et références
↑Archives de l'Yonne, commune de Saint-Sauveur-en-Puisaye, acte de naissance no 32, année 1874 (vue 28/284) (sans mention marginale)
↑ abc et dJuan Gabriel Tharrats (trad. de l'espagnol), Segundo de Chomón : un pionnier méconnu du cinéma européen ; Espagne, France, Italie ; 1902 - 1928, Paris, L'Harmattan, , 322 p. (ISBN978-2-296-09970-8, lire en ligne), p. 88
↑ a et b(it) « Segundo de Chomon mago misterioso », sur sempre in penombra,
↑« Aux origines des trucages : Segundo de Chomón du 21 novembre 2017 au 10 mars 2018 »,
↑ a et b(ca) Juan Gabriel Tharrats, Los 500 films de Segundo de Chomón, Université de Saragosse, (ISBN978-84-7733-040-0), p. 317
↑ ab et c(en) Richard Abel, Encyclopedia of Early Cinema, Taylor & Francis, (ISBN978-0-415-23440-5, lire en ligne), p. 116
↑(ca) Josep Maria Minguet Batllori, Segundo de Chomón. El cinema de la fascinació., Barcelone, Filmoteca de Catalunya, (ISBN978-84-393-8140-2), p. 272
↑Archives de Paris 9e, acte de naissance no 150, année 1897 (page 2/31) (avec mention marginale de décès)
↑(en) Joan M. Minguet Batllori, « Segundo de Chomōn and the Fascination for Colour », Film History, vol. 21, no 1, , p. 7–103 (ISSN0892-2160, lire en ligne)
↑(en) Maggie Hennefeld, Specters of Slapstick and Silent Film Comediennes, New York, New York, Columbia University Press, (ISBN978-0-231-54706-2, lire en ligne)
↑(en) Noam M. Elcott, Artificial darkness : an obscure history of modern art and media, Chicago/London, University of Chicago Press, , 306 p. (ISBN978-0-226-32897-3, lire en ligne)
↑Billaut Manon, Por Katalin, « Colloque « Les mille et un visages de Segundo de Chomón : truqueur, coloriste, cinématographiste... et pionnier du cinématographe » à la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé ; exposition « Effets Spéciaux. Crevez l’écran ! » à la Cité des Sciences et de l’industrie », 1895, 2018/1 (n° 84), p. 172-175. URL : https://www.cairn.info/revue-1895-2018-1-page-172.htm
↑(es) Agustin Sanchez Vidal, « Segundo de Chomón: Compús de espera para un turolense universal », Artigrama, vol. 2, , p. 265-278 (lire en ligne)
↑ a et b« Segundo De Chomon », sur lesgensducinema.com
↑Réjane Hamus-Vallée, Les mille et un visages de Segundo de Chomón : Truqueur, coloriste, cinématographiste... et pionnier du cinématographe, Presses Universitaires du Septentrion, , 288 p. (ISBN978-2-7574-2845-0, lire en ligne)
↑Segundo de Chomón, « En avant la musique », sur Internet Archive,
↑« Fondation Jérôme Seydoux-Pathé - Voyage original », sur filmographie.fondation-jeromeseydoux-pathe.com,
↑Segundo de Chomón, « La Belle au bois dormant », sur Internet Archive,
↑Segundo de Chomón, El Hotel Eléctrico, S.C.A.G.L., (lire en ligne)
↑Segundo de Chomón, Le miroir magique, (lire en ligne)