Lemme de Hensel

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En mathématiques, le lemme de Hensel, est un résultat permettant de déduire l'existence d'une racine d'un polynôme à partir de l'existence d'une solution approchée. Il doit son nom au mathématicien du début du XXe siècle Kurt Hensel. Sa démonstration est analogue à celle de la méthode de Newton.

La notion d'anneau hensélien regroupe les anneaux dans lesquels le lemme de Hensel s'applique. Les exemples les plus usuels sont ℤp (l'anneau des entiers p-adiques, pour p un nombre premier) et k[[t]] (l'anneau des séries formelles sur un corps k) ou plus généralement, les anneaux de valuation discrète complets.

Énoncés

On considère un polynôme P à coefficients dans ℤp (l'anneau des entiers p-adiques, avec p premier).

Lemme de Hensel version 1.

S'il existe α 0 Z p {\displaystyle \alpha _{0}\in \mathbb {Z} _{p}} tel que P ( α 0 ) 0 ( mod p ) e t P ( α 0 ) 0 ( mod p ) , {\displaystyle P(\alpha _{0})\equiv 0{\pmod {p}}\quad {\rm {et}}\quad P'(\alpha _{0})\not \equiv 0{\pmod {p}},} alors, il existe α Z p {\displaystyle \alpha \in \mathbb {Z} _{p}} tel que P ( α ) = 0 e t α α 0 ( mod p ) . {\displaystyle P(\alpha )=0\quad {\rm {et}}\quad \alpha \equiv \alpha _{0}{\pmod {p}}.}

Plus généralement, si un anneau noethérien A est complet pour la topologie I-adique pour un certain idéal I et si P est un polynôme à coefficients dans A alors, tout élément α0 de A tel que, modulo I, P0) soit nul et P'0) soit inversible, se relève de façon unique en une racine de P dans A[1].

La condition P ( α 0 ) 0 ( mod p ) {\displaystyle P'(\alpha _{0})\not \equiv 0{\pmod {p}}} est essentielle. Ainsi, l'équation X 5 = 2 {\displaystyle X^{5}=2} n'a pas de solution dans Z 5 {\displaystyle \mathbb {Z} _{5}} (une telle solution a {\displaystyle a} devrait être congrue à 2 modulo 5 ; posant a = 2 + 5 x {\displaystyle a=2+5x} , on aurait donc 2 = ( 2 + 5 x ) 5 = 32 + 5 × 16 × 5 x + 10 × 8 × ( 5 x ) 2 + {\displaystyle 2=(2+5x)^{5}=32+5\times 16\times 5x+10\times 8\times (5x)^{2}+\dots } , ce qui est absurde, puisque 30 n'est pas divisible par 25), alors qu'elle en a une dans Z / 5 Z {\displaystyle \mathbb {Z} /5\mathbb {Z} } , puisque 2 5 2 {\displaystyle 2^{5}-2} est divisible par 5 ; cela s'explique car P ( X ) {\displaystyle P'(X)} est identiquement nul dans Z / 5 Z {\displaystyle \mathbb {Z} /5\mathbb {Z} } .

Lemme de Hensel version 2.

S'il existe α 0 Z p {\displaystyle \alpha _{0}\in \mathbb {Z} _{p}} tel que, pour un certain entier N, on ait P ( α 0 ) 0 ( mod p N ) , P ( α 0 ) 0 ( mod p N + 1 ) e t P ( α 0 ) 0 ( mod p 2 N + 1 ) , {\displaystyle P'(\alpha _{0})\equiv 0{\pmod {p^{N}}},\quad P'(\alpha _{0})\not \equiv 0{\pmod {p^{N+1}}}\quad {\rm {et}}\quad P(\alpha _{0})\equiv 0{\pmod {p^{2N+1}}},} alors, il existe α Z p {\displaystyle \alpha \in \mathbb {Z} _{p}} tel que P ( α ) = 0 e t α α 0 ( mod p N + 1 ) . {\displaystyle P(\alpha )=0\quad {\rm {et}}\quad \alpha \equiv \alpha _{0}{\pmod {p^{N+1}}}.}

Lemme de Hensel version 3.

Soient K un corps valué non archimédien complet, |∙| une valeur absolue sur K associée à sa valuation, OK son anneau des entiers, fOK[X] et x un élément de OK tel que c := | f ( x ) f ( x ) 2 | < 1. {\displaystyle c:=\left|{\frac {f(x)}{f'(x)^{2}}}\right|<1.} Alors :

  • la suite ( x n ) n N {\displaystyle (x_{n})_{n\in \mathbb {N} }} définie par x 0 := x {\displaystyle x_{0}:=x} et la formule de récurrence : x n + 1 := x n f ( x n ) f ( x n ) {\displaystyle x_{n+1}:=x_{n}-{\frac {f(x_{n})}{f'(x_{n})}}} est bien définie et vérifie | f ( x n ) | c 2 n | f ( x 0 ) | 2 e t | x n + 1 x n | c 2 n | f ( x 0 ) |   ; {\displaystyle \vert f(x_{n})\vert \leqslant c^{2^{n}}\vert f'(x_{0})\vert ^{2}\quad {\rm {et}}\quad \vert x_{n+1}-x_{n}\vert \leqslant c^{2^{n}}\vert f'(x_{0})\vert ~;}
  • elle converge dans OK vers une racine ξ de f et n N | ξ x n | | f ( x ) f ( x ) | 2 n   ; {\displaystyle \forall n\in \mathbb {N} \quad \vert \xi -x_{n}\vert \leqslant \left|{\frac {f(x)}{f'(x)}}\right|^{2^{n}}~;}
  • ξ est la seule racine de f dans la boule ouverte de OK de centre x et de rayon |f(x)/f '(x)|.
Lemme de Hensel version 4.

Tout anneau local complet est hensélien, c'est-à-dire, A désignant cet anneau et k son corps résiduel, que si un polynôme unitaire fA[X] a pour image dans k[X] un produit de deux polynômes g et h premiers entre eux, alors g et h se relèvent en deux polynômes de A[X] de produit f.

Ce lemme « de Hensel » a été démontré par Theodor Schönemann en 1846.

Applications

Le lemme de Hensel est applicable à une grande variété de situations.

Famille d'idempotents orthogonaux

Soient A un anneau local noethérien, complet pour la topologie M-adique associée à son idéal maximal M, et B une A-algèbre commutative[2], de type fini en tant que A-module. Alors, toute famille d'idempotents « orthogonaux[3] » de B/MB se relève, de façon unique, en une famille d'idempotents orthogonaux de B[1].

En effet, les idempotents sont les racines du polynôme P(X) := X2X, et si P(e) est nul alors P ' (e) est son propre inverse. Or B est complet (en) pour la topologie MB-adique, ce qui permet, grâce au lemme de Hensel (version 1 ci-dessus) de relever chaque idempotent de B/MB en un idempotent de B. Enfin, si deux idempotents de B sont orthogonaux modulo MB, alors ils le sont dans l'absolu : leur produit x est nul car (par complétude) 1 – x est inversible, or x(1 – x) = 0.

Factorisation des polynômes à coefficients entiers

Les algorithmes de factorisation de polynômes à coefficients entiers en facteurs irréductibles utilisent d’abord une factorisation dans un corps fini F p {\displaystyle \mathbb {F} _{p}} qu’il faut ensuite remonter dans l’anneau Z / p 2 k Z {\displaystyle \mathbb {Z} /_{p^{2^{k}}\mathbb {Z} }} pour un certain k de N {\displaystyle \mathbb {N} } . Cette remontée se fait grâce à un cas particulier du lemme de Hensel[4], énoncé ci-dessous :

Soient p un nombre premier, et P un polynôme à coefficients entiers, unitaire, décomposé en un produit G 0 H 0 {\displaystyle G_{0}H_{0}} de deux polynômes à coefficients dans Z / p Z {\displaystyle \mathbb {Z} /_{p\mathbb {Z} }} .

On suppose G 0 {\displaystyle G_{0}} et H 0 {\displaystyle H_{0}} premiers entre eux, de coefficients de Bézout U 0 , V 0 {\displaystyle U_{0},V_{0}} dans Z / p Z {\displaystyle \mathbb {Z} /_{p\mathbb {Z} }} .

Alors pour tout k N {\displaystyle k\in \mathbb {N} } , il existe un unique quadruplet de polynômes de Z / p 2 k Z , ( G k , H k , U k , V k ) {\displaystyle \mathbb {Z} /_{p^{2^{k}}\mathbb {Z} },(G_{k},H_{k},U_{k},V_{k})} tels que :

- X k + 1 = X k [ p 2 k ] {\displaystyle X_{k+1}=X_{k}[p^{2^{k}}]} pour X { G k , H k , U k , V k } {\displaystyle X\in \lbrace G_{k},H_{k},U_{k},V_{k}\rbrace }

- G k , H k {\displaystyle G_{k},H_{k}} sont premiers entre eux, unitaires,de coefficients de Bézout U k , V k {\displaystyle U_{k},V_{k}} dans Z / p 2 k Z {\displaystyle \mathbb {Z} /_{p^{2^{k}}\mathbb {Z} }}

- P = G k H k {\displaystyle P=G_{k}H_{k}}

Démonstration

Procédons par récurrence sur k {\displaystyle k} .

L'initialisation est donnée par l'hypothèse.

Pour l'hérédité, on suppose l'existence de ( G k , H k , U k , V k ) {\displaystyle (G_{k},H_{k},U_{k},V_{k})} pour un certain rang k 0 {\displaystyle k\geqslant 0} . On cherche à construire ( G k + 1 , H k + 1 ) {\displaystyle (G_{k+1},H_{k+1})} .

On a, par hypothèse, que P = G k H k   [ p 2 k ] {\displaystyle P=G_{k}H_{k}~[p^{2^{k}}]} donc il existe R k Z / p 2 k Z [ X ] {\displaystyle R_{k}\in \mathbb {Z} /_{p^{2^{k}}\mathbb {Z} }[X]} tel que P G k H k = p 2 k R k   [ p 2 k + 1 ] {\displaystyle P-G_{k}H_{k}=p^{2^{k}}R_{k}~[p^{2^{k+1}}]} .

On appelle alors h k {\displaystyle h_{k}} et g k {\displaystyle g_{k}} les restes respectifs de la division euclidienne de U k R k {\displaystyle U_{k}R_{k}} par H k {\displaystyle H_{k}} et de V k R k {\displaystyle V_{k}R_{k}} par G k {\displaystyle G_{k}} .

On pose { G k + 1 = G k + p 2 k g k H k + 1 = H k + p 2 k h k {\displaystyle \left\lbrace {\begin{array}{c c}G_{k+1}=&G_{k}+p^{2^{k}}g_{k}\\H_{k+1}=&H_{k}+p^{2^{k}}h_{k}\\\end{array}}\right.}

Vérifions que cela convient :

Par construction, { G k + 1 = G k [ p 2 k ] H k + 1 = H k [ p 2 k ] {\displaystyle \left\lbrace {\begin{array}{c c}G_{k+1}=&G_{k}[p^{2^{k}}]\\H_{k+1}=&H_{k}[p^{2^{k}}]\\\end{array}}\right.}

Les coefficients dominants de G k + 1 {\displaystyle G_{k+1}} et H k + 1 {\displaystyle H_{k+1}} sont ceux de G k {\displaystyle G_{k}} et H k {\displaystyle H_{k}} car g k {\displaystyle g_{k}} et h k {\displaystyle h_{k}} résultent d'une division euclidienne. Donc G k + 1 {\displaystyle G_{k+1}} et H k + 1 {\displaystyle H_{k+1}} sont unitaires et on vérifie par un simple calcul que P = G k + 1 H k + 1   [ p 2 k + 1 ] {\displaystyle P=G_{k+1}H_{k+1}~[p^{2^{k+1}}]} .

Montrons enfin, en exhibant des coefficients de Bézout, que G k + 1 {\displaystyle G_{k+1}} et H k + 1 {\displaystyle H_{k+1}} sont premiers entre eux.

On pose { U k + 1 = 2 U k G k + 1 U k 2   m o d   H k + 1 V k + 1 = 2 V k H k + 1 V k 2   m o d   G k + 1 {\displaystyle \left\lbrace {\begin{array}{c c}U_{k+1}=&2U_{k}-G_{k+1}U_{k}^{2}~mod~H_{k+1}\\V_{k+1}=&2V_{k}-H_{k+1}V_{k}^{2}~mod~G_{k+1}\\\end{array}}\right.}

On a : U k + 1 G k + 1 = 1 ( U k G k + 1 1 ) 2   m o d   H k + 1 {\displaystyle U_{k+1}G_{k+1}=1-(U_{k}G_{k+1}-1)^{2}~mod~H_{k+1}} .

Et ( U k G k + 1 1 ) 2 = ( U k p 2 k g k H k V k ) 2   m o d H k + 1 = ( U k p 2 k g k ( H k + 1 p k h k ) V k ) 2   m o d H k + 1 = 0 {\displaystyle (U_{k}G_{k+1}-1)^{2}=(U_{k}p^{2^{k}}g_{k}-H_{k}V_{k})^{2}~modH_{k+1}=(U_{k}p^{2^{k}}g_{k}-(H_{k+1}-p^{k}h_{k})V_{k})^{2}~modH_{k+1}=0} , ce qui achève la preuve.

L'algorithme suivant permet de construire les polynômes G k , H k , U k , {\displaystyle G_{k},H_{k},U_{k},} et V k {\displaystyle V_{k}} du lemme.

Entrée : p un nombre premier, k un entier, 
  
    
      
        P
        ,
        G
        ,
        H
        ,
        U
        ,
        V
      
    
    {\displaystyle P,G,H,U,V}
  
 des polynômes avec 
  
    
      
        P
        =
        G
        H
         
        [
        p
        ]
      
    
    {\displaystyle P=GH~[p]}
  
 et 
  
    
      
        G
        U
        +
        H
        V
        =
        1
         
        [
        p
        ]
      
    
    {\displaystyle GU+HV=1~[p]}
  
 
Sortie : 
  
    
      
        G
        ,
        H
        ,
        U
        ,
        V
      
    
    {\displaystyle G,H,U,V}
  
 tels que 
  
    
      
        P
        =
        G
        H
         
        [
        
          p
          
            
              2
              
                k
              
            
          
        
        ]
      
    
    {\displaystyle P=GH~[p^{2^{k}}]}
  
 et 
  
    
      
        G
        U
        +
        H
        V
        =
        1
         
        [
        
          p
          
            
              2
              
                k
              
            
          
        
        ]
      
    
    {\displaystyle GU+HV=1~[p^{2^{k}}]}
  


Pour i = 1 à k-1
  
  
    
      
        R
        
        
          
            
              
                P
                
                G
                H
              
              
                p
                
                  
                    2
                    
                      i
                    
                  
                
              
            
          
        
      
    
    {\displaystyle R\leftarrow {\dfrac {P-GH}{p^{2^{i}}}}}
  

  
  
    
      
        H
        
        H
        +
        
          p
          
            
              2
              
                i
              
            
          
        
      
    
    {\displaystyle H\leftarrow H+p^{2^{i}}}
  
*Div_Euclide
  
    
      
        (
        U
        R
        ,
        H
        )
      
    
    {\displaystyle (UR,H)}
  

  
  
    
      
        G
        
        G
        +
        
          p
          
            
              2
              
                i
              
            
          
        
      
    
    {\displaystyle G\leftarrow G+p^{2^{i}}}
  
*Div_Euclide
  
    
      
        (
        V
        R
        ,
        G
        )
      
    
    {\displaystyle (VR,G)}
  

  
  
    
      
        U
        
      
    
    {\displaystyle U\leftarrow }
  
Div_Euclide
  
    
      
        (
        2
        U
        
        
          U
          
            2
          
        
        G
        ,
        H
        )
      
    
    {\displaystyle (2U-U^{2}G,H)}
  

  
  
    
      
        V
        
      
    
    {\displaystyle V\leftarrow }
  
Div_Euclide
  
    
      
        (
        2
        V
        
        
          V
          
            2
          
        
        H
        ,
        G
        )
      
    
    {\displaystyle (2V-V^{2}H,G)}
  

retourne 
  
    
      
        (
        G
        ,
        H
        ,
        U
        ,
        V
        )
      
    
    {\displaystyle (G,H,U,V)}
  

Notes et références

  1. a et b (en) Akhil Mathew, « Completions », sur CRing project.
  2. (en) David Eisenbud, Commutative Algebra : with a View Toward Algebraic Geometry, Springer, coll. « GTM » (no 150), , 785 p. (ISBN 978-0-387-94269-8, lire en ligne), p. 189-190 signale que l'hypothèse « local » n'est pas nécessaire (l'énoncé vaut alors pour tout idéal M de A), et étend la preuve d'existence (sans unicité) au cas où A n'est pas commutative, mais seulement pour une famille au plus dénombrable.
  3. C'est-à-dire dont les produits deux à deux sont nuls.
  4. Abuaf Roland et Boyer Ivan, « Factorisation dans Z [ X ] {\displaystyle \mathbb {Z} [X]}  », Exposé de maîtrise proposé par François Loeser,‎ (lire en ligne)
  • icône décorative Arithmétique et théorie des nombres