Sous-groupe de Fitting

Soit G un groupe, au sens mathématique. Le sous-groupe de Fitting de G est un certain sous-groupe caractéristique de G qui intervient de façon importante dans la partie de la théorie des groupes finis appelée analyse locale.

Théorème de Fitting

Le théorème de Fitting, énoncé et démontré[1] par Hans Fitting en 1938, peut s'énoncer comme suit :

Si H1, ...., Hn sont des sous-groupes normaux nilpotents de G, de classes de nilpotence respectives c1, ...., cn, alors le sous-groupe de G engendré par H1, … , Hn est lui aussi un sous-groupe normal nilpotent de G et sa classe de nilpotence est inférieure ou égale à la somme c1 + .... + cn de celles des Hi.

Dans ce qui suit, on donne une démonstration[2] dans le langage des commutateurs de sous-groupes. On peut rédiger la démonstration en donnant la préférence aux commutateurs d'éléments[3].

Démonstration

Si X et Y sont deux parties d'un groupe G, nous noterons XY et nous appellerons produit de X et de Y (dans cet ordre) l'ensemble des éléments de G de la forme xy avec x dans X et y dans Y. On sait que si H et K sont des sous-groupes normaux de G, le sous-groupe de G engendré par H et K est leur produit HK = KH. On en tire par récurrence sur n que si K1, ...., Kn sont des sous-groupes normaux de G, alors le sous-groupe de G engendré par K1, ...., Kn est leur produit K1 .... Kn, où l'ordre des facteurs n'a pas d'importance. On sait que le sous-groupe engendré par une famille de sous-groupes normaux est lui-même un sous-groupe normal, donc K1 .... Kn est un sous-groupe normal de G.

Pour des sous-groupes (non forcément normaux) L1, ...., Ln de G, n étant un nombre naturel au moins égal à 1, on définit [L1, ...., Ln] par récurrence sur n en posant

[L1] = L1

et

[L1, ...., Ln] = [ [L1, ...., Ln-1], Ln]

si n > 1. (Le symbole [L, M], où L et M sont des sous-groupes de G, est défini à l'article Commutateur (théorie des groupes).)

En particulier, si les Li sont tous égaux à un même sous-groupe L de G, [L1, ...., Ln] = Cn(L), où Cn(L) est le n-ième sous-groupe apparaissant dans la suite centrale descendante de L. (Rappelons que cette suite se définit par récurrence sur n en posant C1(L) = L et, pour n > 1, Cn(L) = [L, Cn-1(L)] = [Cn-1(L), L].)

On sait que si A et B sont deux sous-groupes normaux de G, alors [A, B] est un sous-groupe normal de G. On en tire par récurrence sur n que si L1, ...., Ln sont des sous-groupes normaux de G, alors [L1, ...., Ln] est un sous-groupe normal de G.

Lemme[4]. Soient N1, ...., Ns des sous-groupes normaux de G. Si i1 < ... < ik sont des éléments de {1, 2, ... , s}, alors

[ N 1 , . . . . , N s ] [ N i 1 , . . . . , N i k ] . {\displaystyle [N_{1},....,N_{s}]\subseteq [N_{i_{1}},....,N_{i_{k}}].}

Démonstration par récurrence sur s, en distinguant les deux cas ik < s et ik = s, et en utilisant le fait que si A et B sont des sous-groupes normaux de G, alors [A, B] est contenu dans A et dans B.

Pour prouver le théorème de Fitting, il suffit de prouver que si H et K sont des sous-groupes normaux nilpotents de G, de classes de nilpotence respectives c1 et c2, alors HK est lui aussi un sous-groupe normal nilpotent de G et sa classe de nilpotence est inférieure ou égale à c1 + c2. (Le cas général s'en déduit par récurrence.)

Que HK soit normal résulte du fait que le sous-groupe engendré par une famille de sous-groupes normaux de G est lui-même normal dans G. Il reste donc à démontrer que HK est nilpotent de classe au plus c1 + c2.

On sait que, si H, K, L sont des sous-groupes normaux de G, alors [HK, L] = [H, L] [K, L], ce qui peut encore s'écrire [L, HK] = [L, H] [L, K]. On en tire par récurrence que Cn(HK) est le produit (au sens défini ci-dessus) des sous-groupes de G de la forme [A1, ...., An], où, pour tout i, Ai est égal à H ou à K. Si n = c1 + c2 + 1, il y a ou bien au moins c1 + 1 des Ai qui sont égaux à H, ou bien c2 + 1 des Ai qui sont égaux à K. D'après le lemme ci-dessus, il en résulte que, pour cette valeur de n, [A1, ...., An] est contenu dans C c 1 + 1 ( H ) = 1 {\displaystyle C^{c_{1}+1}(H)=1} ou dans C c 2 + 1 ( K ) = 1 {\displaystyle C^{c_{2}+1}(K)=1} . Dans les deux cas, [A1, ...., An] = 1, donc C c 1 + c 2 + 1 ( H K ) = 1 {\displaystyle C^{c_{1}+c_{2}+1}(HK)=1} , donc HK est nilpotent de classe au plus c1 + c2, comme annoncé.

Définition du sous-groupe de Fitting

Il résulte du théorème de Fitting que si le groupe G est fini, le sous-groupe F(G) de G engendré par les sous-groupes normaux nilpotents de G est lui-même normal et nilpotent. Il est clair que F(G) est alors le plus grand (relativement à l'inclusion) des sous-groupes normaux nilpotents de G et que c'est un sous-groupe caractéristique de G. On pose dès lors la définition suivante :

Si G est un groupe fini, on appelle sous-groupe de Fitting de G et on note F(G)[5] ou Fit(G)[6] le plus grand (relativement à l'inclusion) des sous-groupes normaux nilpotents de G.

On montre[7] que si G est un groupe fini et que, pour tout diviseur premier p de l'ordre de G, on désigne par Op(G) l'intersection de tous les p-sous-groupes de Sylow de G (intersection qui est aussi le plus grand p-sous-groupe normal de G), alors F(G) est le produit direct des Op(G), où p parcourt les diviseurs premiers de l'ordre de G.

Prouvons[8] que si le groupe G est infini, il n'a pas forcément un plus grand sous-groupe normal nilpotent. On sait que le sous-groupe du groupe général linéaire GLn(K) formé des matrices triangulaires supérieures avec des 1 sur la diagonale principale est nilpotent de classe n – 1. Il existe donc une suite infinie (Gn) telle que, pour chaque n, Gn soit un groupe nilpotent de classe n. Désignons par G la somme restreinte externe de la famille (Gn). Chaque Gn est un sous-groupe normal nilpotent de G et les Gn engendrent G. Donc, si G avait un plus grand sous-groupe normal nilpotent, ce sous-groupe serait G tout entier, donc G serait nilpotent. Soit alors c la classe de nilpotence de G; chaque Gn serait nilpotent de classe ≤ c, ce qui est faux si n > c.

On ne peut donc pas définir de façon générale le sous-groupe de Fitting d'un groupe comme le plus grand de ses sous-groupes normaux nilpotents. Certains auteurs[9] disent qu'un groupe (non forcément fini) G admet un sous-groupe de Fitting si et seulement s'il admet un plus grand sous-groupe normal nilpotent (et c'est alors ce sous-groupe qui est appelé le sous-groupe de Fitting de G). Selon cette définition, un groupe infini n'a pas forcément de sous-groupe de Fitting. D'autres auteurs[10] définissent le sous-groupe de Fitting d'un groupe quelconque G comme le sous-groupe de G engendré par les sous-groupes normaux nilpotents de G. Avec cette définition, tout groupe admet un sous-groupe de Fitting (qui n'est pas forcément nilpotent).

Notes et références

  1. H. Fitting, « Beiträge zur Theorie der Gruppen endlicher Ordnung », Jahresbericht der Deutschen Mathematiker-Vereinigung, vol. 48, 1938, p. 77-141. (Référence donnée par J. S. Rose, A Course on Group Theory, 1978, réimpr. Dover 1994, p. 159 et 296.)
  2. C'est essentiellement la démonstration donnée par W. R. Scott, Group Theory, 1964, réimpr. Dover, 1987, p. 166.
  3. Voir par exemple G. Endimioni, Une introduction aux groupes nilpotents : Cours de D.E.A., Centre de Mathématiques et d'Informatique, Université de Provence, 1996/1997 (lire en ligne), p. 14.
  4. Ce lemme est utilisé implicitement dans la démonstration du théorème de Fitting donnée par W. R. Scott, Group Theory, 1964, réimpr. Dover, 1987, p. 166.
  5. C'est la notation employée par exemple par (en) Hans Kurzweil (de) et Bernd Stellmacher, The Theory of Finite Groups, An Introduction, (lire en ligne), p. 104. (en) Joseph J. Rotman (en), An Introduction to the Theory of Groups [détail des éditions], 4e édition, tirage de 1999, p. 118, met le F en ronde.
  6. (en) W. R. Scott, Group Theory, réimpr. Dover, , p. 167 ; (en) John C. Lennox et Derek J. S. Robinson, The Theory of Infinite Soluble Groups, Oxford, Clarendon Press, , p. 9.
  7. Voir par exemple Kurzweil et Stellmacher 2004, p. 104.
  8. L'exemple de la somme restreinte externe d'une suite infinie (Gn), où pour tout n, Gn est nilpotent de classe n, est donné par W. R. Scott, Group Theory, 1964, réimpr. Dover 1987, exerc. 9.2.32, p. 222.
  9. Voir par exemple Scott 1987, p. 167.
  10. Voir par exemple Endimioni 1996/1997, p. 14, ou encore Lennox et Robinson 2004, p. 9.

Article connexe

Radical de Hirsch-Plotkin (en)

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